rencontres-philo

SAISON 2023-2024:

La justice restaurative : réparer l’irréparable

avec Elisa Gaspoz

Prix du meilleur travail de maturité en philosophie 2024

Médiathèque de Sion, Mardi 14 mai 2024, 18h30-19h30

« Ma fille Lola dansait au Bataclan », écrit Georges Salines. En 2015, il perd sa fille lors des attentats qui ont touché Paris le 13 novembre. Dans sa démarche de deuil, il écrit « L’indicible de A à Z », abécédaire qui retrace la vie de Lola et de leur famille. Plus tard, il publie avec Azdyne Amimour « Il nous reste les mots ». Cet ouvrage relate la correspondance entre ces deux pères, l’un d’une victime, Lola Salines, l’autre d’un des trois assaillants du Bataclan, Samy Amimour. Leur dialogue, basé sur une écoute et un respect mutuels, représente un exemple très approfondi de justice restaurative. En quoi ce modèle de justice complète-t-il la justice rétributive ? La justice restaurative favorise la communication, l’écoute et la parole entre les individus, visant ainsi à réparer les relations et le tissu social plutôt que de s’arrêter à la seule sanction des coupables d’un crime.

Cette rencontre-philo nous permettra d’éclaircir en quoi ce modèle de justice représente une alternative à la justice classique. De plus, nous approfondirons les moyens que ce modèle utilise, ses principes et ses finalités.

Relativisme éthique et libéralisme : la grande illusion contemporaine

avec Elisa Grimi

Associated Scholar Hildebrand Project (USA)
Executive Director of the European Society for moral Philosophy (ESMP)

Médiathèque de Sion, Mardi 26 mars 2024, 18h15-19h30

Il y a cent ans, Guido Calogero écrivait dans son « Compendio di storia della filosofia » des mots qui trouvent aujourd’hui encore un fort écho dans la pensée commune : il ne faut jamais demander aux mots la vérité des choses, mais seulement la documentation d’une certaine signification de certaines choses à un certain endroit et à un certain moment de l’histoire de l’humanité. Dix ans plus tard, le philosophe Dietrich von Hildebrand, initiateur avec Adolf Reinach du courant de pensée du réalisme phénoménologique, publiait son célèbre ouvrage Le détrônement de la vérité (récemment publié en traduction italienne chez Cantagalli avec une préface du sénateur Marcello Pera). Opposant farouche à l’idéologie nazie et antisémite, Hildebrand identifie dans cet essai le relativisme comme l’une des causes du détrônement de la vérité, puisqu’il ignore le principe de connaissance (qui est le principe du réalisme) selon lequel la validité ou la valeur d’une opinion dépend de sa “conformité” avec la réalité. Ce décalage entre les mots et la réalité, qui est le fondement de nombreuses idéologies, apparaît encore aujourd’hui en toutes lettres dans de nombreux journaux.

L’intention lors de cette rencontre est d’ouvrir un débat avec les personnes présentes sur la limite atteinte par la société occidentale contemporaine, afin de réfléchir aux principes qui conduisent au bien-être social et à l’épanouissement, pour reprendre un terme de nature aristotélicienne, de ses composantes.

La « New Natural Law Theory » – Germain Grisez et John Finnis.

avec Henri Torrione

Médiathèque de Sion, Mardi 30 janvier 2024, 18h15-19h30

Est-il vrai qu’en raison d’un instinct de conservation inscrit dans nos gènes, « la fin propre de l’activité humaine est de survivre » ? Finnis reproche à cette position de défendre l’idée qu’il n’y a qu’un seul but, qu’une orientation vers une fin unique, alors que cela va à l’encontre d’un fait que tout le monde peut constater : il y a une pluralité de fins différentes les unes des autres, et même incommensurables les unes par rapport aux autres : la vie, les relations interpersonnelles (l’attachement à ses proches), la connaissance, etc.

Est-il vrai que le plaisir et l’absence de douleur sont « les seules choses désirables comme fins » dans la vie ? C’est la thèse de l’utilitarisme, Jeremy Bentham et son disciple John Stuart Mill, pour qui si ces différentes activités procurent du plaisir, et qu’on les désire pour cette raison, il faut admettre que la recherche du plaisir et la fuite de la douleur sont ce qu’on vise avant tout le reste (Mill indique que parmi les plaisirs, ceux que nous devons à l’intelligence, à la sensibilité, à l’imagination et aux sentiments moraux ont une valeur bien plus grande que ceux qui relèvent de la sensation).

Henri Torrione, professeur de droit et de philosophie du droit à l’Université de Fribourg, a fait des études de philosophie, puis de droit, à l’Université de Genève, de Fribourg et de Georgetown (USA). Il est professeur à la Faculté de droit de l’Université de Fribourg depuis 2000. Il a pratiqué le droit comme avocat de 1985 jusqu’en 2007, et publié plus d’une vingtaine d’articles de philosophie (voir le site www.torrione.online).

« La gauche, la droite, le centre : qu’est-ce que cela signifie? »

avec Philippe Nemo

Médiathèque de Sion, lundi 27 novembre 2023, 18h15-19h30

Tout le monde croit savoir ce que sont, en politique, la droite, la gauche et le centre. En réalité, la question ne va pas de soi. À certains égards, elle est plus complexe, à d’autres plus simple.

Elle est plus complexe parce qu’il y a, dans les démocraties occidentales, non pas simplement trois partis politiques, mais de multiples partis qui, en outre, ont besoin, pour gagner les élections, de s’engager dans des alliances souvent hétéroclites et instables. De sorte qu’on a peine à savoir quelle politique précise la coalition qui a remporté les élections va vouloir et pouvoir mener.

C’est à analyser ces paradigmes fondamentaux de la pensée politique que sera consacrée la conférence. On verra que, parmi eux, il y a bien la « droite » et la « gauche », mais en un sens qu’il faudra définir avec précision ; et qu’il y a certainement aussi un troisième modèle, mais qui n’est pas le centre…

Toutefois, on peut rendre plus intelligible la question en comprenant qu’il n’y a en politique, finalement, qu’un petit nombre d’attitudes fondamentales vraiment différentes, fondées dans certaines manières incompatibles de « voir le monde » et de penser l’ordre social. Celui-ci doit-il être rapporté à la nature humaine (et, en ce qui concerne le droit, au « droit naturel » ?). Peut-il être pensé, au contraire, en faisant table rase de la nature et du passé, c’est-à-dire peut-on créer à volonté tout ordre social que l’on juge bienfaisant ?

Philippe Nemo, ancien Professeur de philosophie politique à Paris (ESCP et HEC), actuellement Directeur de l’Ecole professorale de Paris et du Centre de recherche en philosophie économique.

« La naissance de la science moderne et la critique de la nature : quels enseignements pour aujourd’hui ? »

avec Michel Siggen

Médiathèque de Sion, mardi 5 septembre 2023, 18h15-19h30

La science moderne qui apparaît au XVIIe siècle est à l’origine de la société technoscientifique qui caractérise notre civilisation occidentale actuelle. Or, cette science repose sur une conception et une méthode particulières qui sont bien différentes de celles enseignées dans l’Antiquité et le Moyen Âge. Grâce aux recommandations de Francis Bacon, aux essais de Galilée et aux enseignements de Descartes, de Robert Boyle et de Newton, la conception même de la science a changé. Cette nouvelle méthode scientifique, indépendamment de la bonne volonté des savants, a engendré une façon limitée de considérer la nature et semble avoir ainsi favorisé les crises que nous connaissons, celle du sens des choses, et celle de l’environnement.

Docteur en philosophie de l’Université de Genève et ingénieur physicien de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, Michel Siggen a été professeur de philosophie et de physique au Lycée-Collège des Creusets à Sion. Il enseigne aujourd’hui l’épistémologie et la philosophie des sciences aux Facultés Libres de Philosophie et de Psychologie de Paris (IPC). Il vient de publier un livre sur le savant anglais Robert Boyle (1627-1691) : Robert Boyle, Biographie et anthologie philosophique, voir le site: www.robertboyle.fr.

LA DEMOCRATIE EN DANGER?

EPISODE 3:

Internet et démocratie: quel espace public ?

avec Charles Girard

La régulation de l’espace public numérique est devenue un impératif pour les démocraties. Les États sont désormais appelés à établir de nouvelles règles du jeu pour préserver la possibilité du débat public sur Internet, en luttant contre les dérives qui l’affectent, de la brutalisation des échanges aux manipulations de l’information, et pour encadrer la conduite des « géants du Web », qui ont accumulé un formidable pouvoir privé de censure. Mais comment penser une telle régulation ? La pertinence du concept d’espace public pour guider la régulation d’Internet ne va pas de soi. Quel sens spécifique les exigences démocratiques d’égalité des participants, de publicité des échanges, de liberté des discours peuvent-elles prendre lorsque le conflit des opinions se déroule en ligne ? Elles invitent, tout au moins, à répartir équitablement l’accès à la visibilité, assurer l’ouverture des enclaves numériques et contrôler ceux qui maîtrisent les architectures numériques.

Charles Girard est Maître de conférences à la faculté de philosophie et de droit de l’Université Jean Moulin Lyon 3. Il a publié récemment chez Vrin: Délibérer entre égaux. Enquête sur l’idéal démocratique (2019).

EPISODE 2:

La démocratie : procédure ou substance ?

avec Jean-Fabien Spitz

Une information récente indique que le nombre de démocraties libérales, estimé aujourd’hui à 34 pour l’ensemble de la planète n’a jamais été aussi bas depuis 1995. La définition même d’une démocratie demeure cependant contestée. Certains souhaitent en effet mettre l’accent sur la substance des décisions, en particulier sur la protection des droits individuels et sont enclins à penser que des procédures qui freinent ou minorent fortement le pouvoir de la volonté collective sont la voie la plus à même de mener à des décisions favorables à l’ensemble des citoyens. D’autres sont en revanche convaincus que la participation égale des citoyens est le seul fondement possible de la légitimité lorsqu’il s’agit de trancher des questions de principe sur lesquels les désaccords moraux sont insurmontables. On tentera d’analyser les arguments en faveur de chacune de ces deux options et de reconstruire ainsi le débat qui les oppose.

Jean-Fabien Spitz est professeur de philosophie politique à l’université de Paris I, membre senior de l’Institut universitaire de France. Quelques ouvrages: Pourquoi lutter contre les inégalités ? (2010); Philip Pettit, le républicanisme (2011); La propriété de soi. Essai sur le sens de la liberté individuelle (2018).

EPISODE 1:

La question de la vérité dans la société contemporaine

avec Jacques Rollet

« C’est mon choix ».
Ce titre d’une émission de France 3 illustrait la volonté de toute-puissance de l’individu. Mais si elle dépend du désir de chacun, alors il n’y a plus de vérité possible.
L’auteur prend position pour un dépassement du relativisme à partir d’une réflexion sur l’individualisme selon Tocqueville, du relativisme chez Max Weber et de la question de la « loi naturelle », en repensant le couple privé-public.

Jacques Rollet est Professeur en Sciences Politiques, et l’auteur notamment de « La tentation relativiste ou  La démocratie en danger » (2007), « Le libéralisme et ses ennemis » (2012).

La nature, c’est quoi ?

avec François-Xavier Putallaz

Aujourd’hui, la liberté humaine s’impose partout comme une domination effrontée sur la nature, avec les déséquilibres que l’on sait. Il n’en fut pas toujours ainsi.
A l’inverse, des mouvements en appellent à un retour à une nature supposée originelle. Cette opposition ruineuse entre nature et liberté exige d’en cerner l’origine et le sens. La conférence évoque quelques étapes de cette histoire.
En invitant à une complicité renouvelée entre les hommes et la nature, on y indique quelque jalons conduisant à une écologie intégrale.

François-Xavier Putallaz est professeur de philosophie à l’Université de Fribourg (Suisse) et Président à l’institut Philanthropos. Ancien membre du Comité international de bioéthique de l’Unesco et de la Commission nationale d’éthique, il a publié aux éditions du Cerf Le Mal (2017) et La philosophie sans prise de tête (2020).
Son dernier livre :
François-Xavier Putallaz, Qu’est-ce que la nature ?, Salvator, Collection Philanthropos, Paris 2022

SEMAINE DE LA PHILOSOPHIE

De la science du droit à l’intelligence du juste

avec Yves Tabin, ancien juge du District de Sion

On attend du juge qu’il soit honnête, certes, mais aussi qu’il soit éclairé. La bonne volonté ne sert à rien au juge, s’il n’est pas clairvoyant. Pas seulement instruit et cultivé, mais surtout fin et intelligent. Or, la sagacité du juge a des degrés, allant de la connaissance du droit à la perception de ce qui est juste. Analysant le rôle du savoir dans la pratique judiciaire, nous devrons franchir la triple porte du temple pour atteindre le naos où trône Thémis. Nous cheminerons vers la déesse, guidés par des théoriciens pas trop abscons et escortés de praticiens pas trop obtus. Ensemble, nous lui demanderons le sésame d’une justice humaine.

La conférence s’inscrit dans le cadre de « philExpo22 – Une semaine de philosophie en Suisse », une initiative de philosophie.ch.

SAISON 2021-2022: QU’EST-CE QUE LA LIBERTE ?

EPISODE 3:

Qu’est-ce que le libre arbitre ?

avec Tobias Hoffmann, professeur de philosophie médiévale, Sorbonne Université

Qu’est-ce que la liberté ? Est-ce le pouvoir de choisir entre le bien et le mal, ou plutôt de choisir entre deux biens ? Existe-t-il aussi une liberté hors des choix, qui consisterait dans le fait d’être fermement attaché au bien ? Par ailleurs, comme nos choix se font suite à une réflexion : nos mauvais choix sont-ils causés par une réflexion erronée ? Si nous avions une parfaite intelligence, serions-nous exempts de fautes ? Ces questions ont été discutées avec une profondeur et vivacité exceptionnelles au cours des XIIIe et XIVe siècles, par des auteurs comme Thomas d’Aquin, Duns Scot, Guillaume d’Ockham et beaucoup d’autres. En particulier, la doctrine chrétienne de la chute des mauvais anges – par hypothèse, des personnes qui étaient dans les meilleures conditions pour faire un bon choix au lieu de pécher – a présenté aux médiévaux un scénario qui leur permettait d’approfondir les interrogations autour du libre arbitre. Tobias Hoffmann parlera des débats médiévaux au sujet du libre arbitre et de leur intérêt pour nous aujourd’hui.

EPISODE 2:

Dérive et drame d’une liberté individuelle infantilisée et déresponsabilisée

avec Alain Laurent, essayiste, directeur de la collection « Bibliothèque classique de la liberté » aux Belles Lettres.

Alors que le bel idéal de la plus grande égale liberté pour tous voit sans cesse croître ses ennemis déclarés (des Talibans à Poutine en passant par le régime communiste chinois et l’étatisme…), le voici désormais aussi menacé par tous ceux qui corrompent la liberté individuelle en l’infantilisant, en la coupant de tout esprit de responsabilité et d’usage rationnel.
Tout semble donc se passer comme si au paternalisme déresponsabilisant de l’État s’ajoutait désormais une auto-infantilisation « volontaire » confondant liberté avec la satisfaction de caprices (cf. Ayn Rand) caractéristique de comportements d’ « enfants gâtés » (Ortega y Gasset) en proie au triple déni de la réalité, de la rationalité et de la responsabilité – sans lesquelles la liberté individuelle perd tout sens et se contrefait.
Dans ces conditions, l’urgence ne serait-elle pas de renouer avec une plus haute et exigeante idée d’une liberté individuelle d’adultes réalistes, rationnels et responsables (défendue par ses partisans les plus résolus, les grands penseurs libéraux – de Kant à Karl Popper ou Vargas Llosa et aux libertariens Nozick et Rand…) qui ne vaut qu’en relation avec celle des autres, ne peut prendre corps que dans le rigoureux respect d’un minimum de règles communes et obligations contraignantes, et impose de répondre des conséquences de nos choix dommageables à autrui ou, mieux, de les éviter?

EPISODE 1:

« Pourquoi as-tu fait cela ? Parce que cela me plaît ». La fondation de la norme éthique dans la pensée de Pierre de Jean Olivi (1248-1298)

avec Stève Bobillier, docteur en éthique, bioéthicien et professeur de philosophie au Collège Saint-Michel

Pierre de Jean Olivi est un des premiers auteurs à définir la personne humaine à la fois comme être doué de conscience et comme absolument libre et autodéterminé. Il affirme ainsi que l’homme est capable d’acrasie, c’est-à-dire de choix délibéré pour le mal, et que lui seul est à même de juger de la valeur de ses actes.

Cela dit, pour éviter de tomber dans un scepticisme moral où chaque individu est sa propre norme, Olivi développe l’idée de « sens spirituels » qui permettent de trouver dans la personne humaine un fondement universel à l’éthique. Ces sens spirituels entreront plus tard dans l’Histoire sous le concept de « sens commun ».

Cette réflexion sur la possibilité du mal est ainsi une solution pour comprendre ce qu’est le bien, solution qu’il développe au travers de l’idée de pauvreté volontaire, de vœu continué, de goût du bien et d’« empathie » (inspiratio).

Peut-on juger de la beauté ?

avec Carole Talon-Hugon, professeur à l’université de Nice, présidente de la Société française d’esthétique.

Nous prononçons constamment des jugements affirmant la beauté ou l’absence de beauté d’un paysage, d’un visage ou d’un tableau, mais de tels jugements sont-ils légitimes ? Si le beau, comme a conduit à le penser le grand mouvement de subjectivation de la modernité n’est affaire que de plaisir et de goût, ne faudrait-il pas se contenter de dire que ce paysage, cet objet ou ce visage nous sont agréables ? Pourtant, comme l’a bien pointé Kant, toute évaluation de la beauté d’un objet contient une étrange prétention à l’universalité. Que signifie cet entêtement à faire comme si la beauté était une propriété de l’objet ? On montrera comment la réponse à ces questions suppose une distinction préalable des différents sens dans lesquels le mot « beau » peut être entendu.

SAISON 2019-2020: ECOLOGIE ET DEVELOPPEMENT DURABLE

EPISODE 4:

Ecologie intégrale et économie permacirculaire: une utopie pour le XXIe siècle

avec Dominique Bourg, prof. honoraire à l’université de Lausanne.

Je rappellerai brièvement quelle est la situation à laquelle nous devons faire face, laquelle légitime le passage à une économie permacirculaire.

J’indiquerai en quoi une économie permacirculaire se distingue d’une économie circulaire et ce qu’exigerait en termes institutionnels et anthro- pologiques une telle économie.

EPISODE 3:

Ubérisation, micro-travail, intelligence artificielle : la servitude 2.0 ?

avec Karim Amellal, Enseignant à Science Po, Paris.

Uber, Airbnb, Amazon Mechanical Turk ou Deliveroo : ces gigantesques plateformes se présentent comme des acteurs disruptifs, voire révolutionnaires. Nourries par des algorithmes et de l’intelligence artificielle, elles prétendent remplacer l’ancien monde au nom de la modernité, de la technologie, du confort. Pour décrire ce phénomène, on utilise souvent un néologisme : l’ubérisation. Que signifie-t- il ? Que recouvre-t-il ? Et surtout, quelles sont les conséquences qu’il induit ? En réalité, derrière les discours lénifiants du « progrès » et de la « facilité » se dissimule un capitalisme technologique féroce qui apporte de nouvelles formes de servitude et heurte de plein fouet nos acquis sociaux. Cependant, face à cette « révolution » qui s’apparente davantage à un retour au 19ème siècle, des résistances apparaissent, aussi bien des collectivités publiques que des citoyens qui, au nom de la solidarité et du bien commun, s’emparent de la technologie pour la remettre à notre service.

EPISODE 2:

L’homme et le cosmos: le point de vue antique

avec Luca Pitteloud, professeur de philosophie antique à l’Université Fédérale de l’ABC à São Paulo.

Dans le Timée, Platon nous offre l’expérience de pensée suivante : imaginons que l’univers soit le produit d’un artisan divin, le Démiurge, dont l’objectif principal est la mise en ordre d’un état chaotique initial. Les premières pages du discours de Timée exposent les réflexions du Créateur de l’univers. Afin que son travail mène au meilleur résultat possible, le Démiurge prend la décision suivante : l’univers sera un vivant unique composé d’une âme et d’un corps. C’est au moyen de cet étrange présupposé que Platon démontre en quoi le cosmos est le plus beau des mondes possibles.
Dans cette présentation, nous essaierons de dévoiler non seulement quelles sont les conséquences, mais aussi les limites du mythe vraisemblable mis en scène par Platon, en particulier en ce qui concerne notre rapport actuel à la beauté du monde. Comment Platon justifie-t-il cette beauté ? Comment expliquer dès lors la laideur dans le meilleur des mondes ? Enfin, quelle est la place de l’homme dans ce monde qualifié, dans les ul- times lignes du récit, de « dieu sensible, dans toute sa grandeur, sa bonté, sa beauté et sa perfection, ciel unique qui est le seul de son espèce ».

EPISODE 1:

Le transhumanisme, ou comment la technique a-t-elle conditionné notre rapport au monde ?

avec Maxime Crettex, étudiant au Lycée-collège des Creusets, Sion; prix du meilleur travail de maturité en philosophie 2019.

Et si la technique, communément définie comme le moyen de réalisa- tion de l’idéal cartésien de confort, s’avérait être tout à la fois un vecteur de l’histoire, une condition de notre relation à la nature, un concept phi- losophique aux enjeux cruciaux, l’expression du prométhéisme humain et une menace totalitaire ? La question de la technique et du progrès se révèle en réalité rentrer en résonance avec la condition humaine, sa relation à Dieu, l’omnipotence de sa raison et l’imminence de son règne absolu sur le vivant. Ces concepts philosophiques sont aujourd’hui sous-jacents à de nombreux débats de sociétés, relatifs à l’éthique de la vie, du corps, de la mort et de l’environnement.

Les procès Galilée: enjeux historiques, philosophiques et théologiques

avec Domenico Collacciani.

Domenico Collacciani est docteur en philosophie (Université de Caen – La Sapienza, Roma). Après avoir étudié à l’École pratique des Hautes Études (programme research in Paris) et à l’ENS Paris (Labex TransferS, marie curie cofund) est actuellement attaché temporaire d’enseignement et recherche à l’université Paris Sorbonne. Il est spécialiste de l’histoire de la philosophie et des sciences au XVIIe siècle. Ses recherches récentes portent sur la réception de la philosophie cartésienne, sur l’enseignement des mathématiques dans les collèges jésuites et sur l’œuvre de B. Spinoza.

La conférence porte sur la question bien connue des procès et des condamnations dont Galilée a fait l’objet entre 1616 et 1633. On retracera les étapes des événements afin d’essayer de donner une réponse à la question suivante : « Pourquoi l’église romaine a-t-elle voulu censurer le savant pisan ? ». En retraçant la genèse du conflit s’établissant entre la science nouvelle et les savoirs traditionnels nous éluciderons les raisons pour lesquelles les recherches de mécanique et les observations par la lunette astronomique ont pu bouleverser les consciences des contemporains. Il en résultera l’image vive d’un aspect fondamental de la culture italienne. L’imbrication de science, religion et politique se laissera ainsi percevoir dans toute sa complexité.

La rencontre est organisée en collaboration avec la société Dante Alighieri Valais.

La liberté d’expression : une valeur à reconsidérer ?

avec Nathalie Maillard, docteure en philosophie, enseignante au collège de Genève.

La liberté d’expression est, dans les démocraties libérales, l’une des libertés protégées par les droits fondamentaux. Elle est la manifestation d’un principe plus général de tolérance qui de- mande à l’Etat de ne pas interférer avec les pratiques, les modes de vie et les opinions des individus tant qu’ils ne risquent pas de causer, directement ou indirectement, des torts à autrui. Ces dernières années cependant, les débats ont souvent porté sur la nécessité de limiter davantage la liberté d’expression, ceci pour deux raisons principalement.

D’une part parce que, si le principe de tolérance avait initialement pour but de garantir, au sein de sociétés pluralistes, une forme de paix sociale, il semble que ce soit la liberté d’expression qui menace aujourd’hui cette paix.

D’autre part, parce que la prolifération d’une parole non contrôlée dont la diffusion est amplifiée par Internet et les réseaux sociaux peut constituer une menace non seulement pour la réputation des individus mais pour la vérité elle-même.

Trois utopies contemporaines

avec Francis Wolff, Professeur de philosophie à l’Ecole Normale Supérieure de Paris.

Nous avons perdu les deux repères qui permettaient autrefois de nous définir entre les dieux et les bêtes. Nous ne savons plus qui nous sommes, nous autres humains. De nouvelles utopies en naissent. D’un côté, le post-humanisme prétend nier notre animalité et faire de nous des dieux promis à l’immortalité par les vertus de la technique. D’un autre côté, l’animalisme veut faire de nous des animaux comme les autres et inviter les autres animaux à faire partie de notre communauté morale.
Alors forgeons une nouvelle utopie à notre mesure. Ne cherchons plus à nier les frontières naturelles — celles qui nous séparent des dieux ou des animaux — et défendons un humanisme conséquent, c’est-à-dire un cosmopolitisme sans frontières.

L’invention du « moi »

avec Vincent Carraud

La Société Valaisanne de Philosophie accueille le philosophe Vincent Carraud, professeur d’histoire de la philosophie moderne à la Sorbonne.

L’ expression « le moi » est aujourd’hui banale.
Elle est pourtant étonnante, car en principe un pronom comme « moi » n’admet pas d’article, qui en fait un substantif. « Le moi » est une invention de philosophe (Pascal), qui forge une expression inédite rendue nécessaire par la nouvelle philosophie de l’existence (Descartes). Ainsi le moi n’est-il identifiable ni à l’âme, ni à l’entendement, ni à la conscience, ni à l’individu, ni à la personne, ni même au soi. C’est pourquoi la première question qui est posée au moi n’est pas celle de savoir ce qu’il est mais celle, existentielle, de savoir qui il est.
Et elle a une histoire, dont Vincent Carraud vient nous parler.


Modification du génome humain et nature humaine

avec Justine Clivaz,

étudiante au LCP, prix du meilleur travail de maturité en philosophie 2018.

Terreur, haine, et nihilisme

avec Hélène L’Heuillet

L’usage de la terreur dans les différentes formes de radicalisation, jihadiste ou populiste, est l’expression d’une haine qu’on peut qualifier de « nihiliste », car elle témoigne d’une attirance pour le « rien ».

Que cherchent à détruire ceux qui disent un « non » radical, dans quelles impasses se trouvent-ils enfermés, et comment échapper aujourd’hui à la haine et à la terreur?

La question du terrorisme dépasse largement les enjeux géopolitiques pour soulever les questions de ce que parler veut dire, de la relation à l’altérité, ou encore de la possibilité d’exister comme sujet humain à l’époque contemporaine.

Hélène L’Heuillet est Maître de conférences HDR, Université de Paris – Sorbonne. Elle vient de publier « Tu haïras ton prochain comme toi-même. Les tentations radicales de la jeunesse » chez Albin Michel.